Il est de bon ton de jeter l'opprobre sur la Nouvelle Vague, accusée de tous les maux du cinéma français, alors que la nullité actuelle des films hexagonaux concerne aussi bien un cinéma d'auteur autiste qu'un cinéma commercial mal branlé. Il suffit pourtant de redécouvrir Jules et Jim de François Truffaut pour se rendre compte que cette Nouvelle Vague-là n'avait pas grand-chose à se reprocher : rigoureux dans son écriture, audacieux dans son sujet (une femme aime deux hommes sans que cela ne brise l'amitié masculine qui les unit) comme dans sa forme (Truffaut utilise à chaque plan toute la grammaire cinématographique pour créer du spectacle), Jules et Jim n'a pas usurpé sa réputation de chef-d'œuvre.
Pour son troisième film, Truffaut installait le dernier axe de son œuvre, celui qui allait le rendre célèbre à travers le monde : le goût du romanesque, qui complétait son désir d'autobiographie (Les 400 coups) et son envie de relire les codes du cinéma de genre (Tirez sur le pianiste). Adapté d'un livre d'Henri-Pierre Roché, Jules et Jim inscrit son récit dans celui de deux pays, la France et l'Allemagne, qui passent de l'insouciance du début du XXe siècle à l'inquiétude et au trauma causé par la Première Guerre mondiale. Le destin des personnages en est affecté, mais leur liberté transcende les aléas tragiques de l'époque.
L'autre grande force du film, c'est son personnage féminin, Catherine. La prestation de Jeanne Moreau, exceptionnelle, n'y est pas pour rien, ce que la revue Positif vient de souligner dans son dernier numéro en la classant parmi les cinq plus grandes compositions de toute l'histoire du cinéma — choix commun des cinéastes et de la rédaction.
Christophe Chabert
Jules et Jim
À l'Institut Lumière
Du vendredi 31 août au dimanche 9 septembre