Théâtre / Après avoir beaucoup travaillé Shakespeare, David Gauchard, le metteur en scène de la compagnie L'unijambiste s'adresse pour la première fois aux petits et aux grands. Et part au pays des Inuits pour un spectacle sensoriel d'une qualité rare.
C'est comment la vie dans les glaciers ? Ça craque. Cette sensation autant que ce bruit irriguent la nouvelle création de David Gauchard (cie L'unijambiste), conçue après un voyage de deux semaines sur la banquise — à Kangiqsujuaq, la porte d'entrée du Nunavik, la terre des Inuits du Québec.
Oui, ça craque et ça part en lambeaux à mesure que la planète se réchauffe. Il était impensable et impossible pour le metteur en scène de ne pas évoquer le dérèglement climatique actuel, non par démagogie (inexistante ici) mais par simple conscience.
Sans didactisme, le texte relatif à cette question n'apparaît que dans les cartels des surtitres à destination des adultes, les enfants restant les yeux rivés au plateau sur lequel les pas des Inuits craquent lorsqu'ils bougent sur cette fausse glace en débris, laissant s'échapper un son d'une justesse absolue. Gauchard a également su instaurer les sensations de froid et d'hostilité dans lesquelles évoluent ses personnages semblant lutter de toutes leurs forces contre des vents contraires.
Fondre devant l'inconnu
Sans suivre de trame narrative précise, les séquences s'enchaînent comme autant d'instants d'une vie modeste, pas encore soumise à la vitesse, aux communications radio ou téléphonique ni même aux déchets — autant d'exemples du "monde moderne". Sans tomber non plus dans une caricature et une idéalisation du passé vierge de pollution de cette population, Gauchard restitue une histoire à ceux qui, anciens Esquimaux (littéralement "mangeurs de viande crue"), sont devenus en 1970 des Inuits — traduction du mot "Homme". Et il montre de quoi est fait leur quotidien : la pêche, la navigation mais aussi le travail précis et précieux des scientifiques carottant cette terre.
Nimbant sa mise en scène d'images, il parvient ici à faire exister la nuit étoilée et la faune dans un demi-cercle en fond de scène qui s'apparente aussi à l'incontournable igloo. Surtout, il s'entoure à nouveau du compositeur Arm, leader du groupe hip hop Psykick Lyrikah. Également du voyage dans le Grand Nord, il en a ramené des flows envoûtants et prégnants prolongés par le beatbox de L.O.S, présent sur la scène aux côtés des deux comédiens. Tout est réuni pour que cet Inuk laisse des traces durables dans la mémoire de chacun.
Inuk
Au théâtre de Villefranche le samedi 9 avril