Avoir un rapport avec le spectateur toute une vie : voilà bien l'un des privilèges de Bartabas, qui confiait en janvier dernier que l'on ne lit pas un livre de la même manière si on en a lu d'autres du même auteur ou si on le découvre pour la première fois. À Lyon, tous ses spectacles ont été joué grâce, ces dernières années, aux Nuits de Fourvière dont l'un des axes forts de la programmation est la confiance accordée aux artistes au fil des éditions. Avec des réussites plus ou moins heureuses...
Ainsi, Bob Wilson est-il venu pour la 4e fois présenter un très paresseux et bien peu inventif Livre de la Jungle, peu adapté aux capacités techniques du Grand Théâtre et qui aura lancé sous un ciel certes merveilleusement estival le festival sur une rampe bancale. La venue d'un autre septuagénaire, Georges Lavaudant, maître du théâtre français dont sa Rose et la hache reste profondément en mémoire, n'a pas semblé faire le plein, et difficile de juger de la qualité car la météo a joué les trouble-fêtes. Fidélité aussi est faite aux clivants Chiens de Navarre, dont le spectacle naîtra pour la deuxième fois consécutive au festival (Tout le monde ne peut pas être orphelin, ce week-end au Radiant).
Cinglant, drôle, percutant
La fidélité a cependant ses vertus. Les Comp. Marius se sont imposés au fil des ans comme des OVNIS nécessaires au paysage théâtral, cassant les codes parfois trop rigides de cet art, trimbalant leurs gradins, ouvrant leurs spectacles à ceux qui n'y vont jamais grâce à Beaumarchais, Pagnol et un somptueux Dickens l'an dernier. Ils seront cette année les guides du spectacle de sortie de promo des étudiants de l'ENSATT (Coupe royale d'après Shakespeare).
Et dans cette même école, l'une des valeurs sûres de la génération des trentenaires revient pour un second tour aux Nuits. Lorraine de Sagazan avait magnifiquement décapé Maison de poupée d'Henrik Ibsen et Démons de Lars Noren, deux spectacles nés précédemment ailleurs et qu'elle avait présenté ici pour la première fois en diptyque. Ce travail était cinglant, drôle, percutant... Il y a toutes les chances pour que son adaptation très personnelle (et respectueuse dans le texte) de Platonov de Tchekhov, rebaptisé L'Absence de père, soit du même acabit. Le festival lui permet d'en donner les toutes premières représentions. Parce que l'accompagnement dans la durée des artistes est une force pour peu qu'ils aient encore des choses à dire.