Le Musée Paul Dini réunit quatorze artistes de la région autour du thème du portrait et de la figure humaine. Une très belle exposition qui vaut le déplacement jusqu'à Villefranche-sur-Saône.Jean-Emmanuel Denave
«Un portrait ! Quoi de plus simple et de plus compliqué, de plus évident et de plus profond ?», écrivait Baudelaire en 1859. Aujourd'hui encore la figure humaine, le visage, la face trouée sept fois et travaillée par la vie et la mort, fascine, magnétise, saisit. En déambulant dans l'espace Cornil du Musée Paul Dini, la multiplicité de ces visages, peints ou photographiés de manières très diverses, jette immédiatement un trouble, donne le vertige. Faciès humains mille fois répétés, toujours recommencés, jusqu'à l'hébétude, comme si l'on n'en avait pas encore percé le mystère. Apparitions, disparitions ; figurations, dé-figurations. S'ils ne révolutionnent pas le genre du portrait et s'ils ne sont pas toujours à l'avant-garde de la création contemporaine (mais qu'importe), les quatorze artistes exposés n'en présentent pas moins des œuvres fortes et stimulantes. À l'exemple de Gérard Bourgey (peintre lyonnais né en 1959) qui étire ces grands visages féminins fragiles sur d'immenses toiles, dans un face-à-face sans fard ni étiquette sociale : figures comme nues et dotées d'énormes yeux bleus exorbités, paysages accidentés de la peau rendus à coups de touches larges, grâce et disgrâce tout ensemble... Ses séances de pose sont proches de l'hypnose : l'artiste peint son modèle à une distance de 20 centimètres, plonge littéralement dans la chair de son énigme, y arrache un secret mouvant, tourmenté, inquiet. Faire faceLes enfants de Cristina Tavares ont au contraire les yeux, clos : morts ou bien dormant parmi des étoffes décrépites, des matières désuètes presque tactiles. Corps mêlés à la trame filandreuse de ses tableaux à la technique complexe et inspirés d'images du grand photographe Mario Giacomelli. Parfois encore, il ne reste aux portraits exposés plus qu'une expression de peinture effaçant tous les traits du visage (chez Alain Chevrette) ou bien un regard tenace au milieu d'un visage qui s'efface inexorablement (série Les Disparus d'Isabelle Thé). La photographe Jacqueline Salmon quant à elle «cherche le plus de transparence possible sans faire image», afin de laisser au portrait une multiplicité d'interprétations possibles : d'où de très belles photographies noir et blanc de Charles Juliet, Gerhard Richter, Louise Bourgeois, Agnès Varda, Paul Ricoeur... Un artiste encore fait forte impression : Djamel Tatah et ses toiles épurées à l'extrême, maladives. Sur des fonds monochromes se détachent des individus anonymes aux vêtements sombres, aux visages livides, à deux doigts de s'effondrer, au bord d'un abîme de silence. Presque tous debout encore parce qu'il faut bien continuer, tenter quelque chose, et à défaut de faire vraiment bonne figure, faire face. Portraits et figures dans la création contemporaineAu Musée Paul Dini à Villefranche-sur-SaôneJusqu'au 16 septembre