Scopitones / Conclusion de ce marathon de formes courtes, la sixième édition de La Fête du clip. Célébration d'un art minoré, avec une sélection exigeante et riche de propositions tranchées. Il est grand temps de ne plus regarder de haut un format qui continue à se renouveler, se réinventer et se régénérer.
À l'heure où les images vidéo sont partout et en permanence, où la frontière entre les formats s'estompe, le clip semble paradoxalement moins tendance, moins regardé qu'il y a quelques années (les émissions spécialisées, l'avènement d'Internet et des tubes...). Il demeure pourtant un laboratoire formel et une zone d'expérimentation dont les audaces se retrouvent souvent réemployées sur le grand écran. Il instaure également un lexique généralement débarrassé de la barrière de la langue, plus à même de voyager d'un territoire à un autre, de véhiculer émotions et sensations brutes, en premier lieu par ses seules images... Il revient par aspects au cinéma des origines, dans sa définition la plus épurée.
Virtual Insanity
Cet objet filmique particulier, tentant d'allier des objectifs commerciaux à une démarche artistique, permit à pléthore de cinéastes majeurs de se révéler : Jonathan Glazer, Mark Romanek, David Fincher, Michel Gondry... Une forme parfois déconsidérée (le terme clip étant utilisé comme une sorte d'argument valise irréfutable par une poignée d'esprits étroits) au point d'être le plus souvent éloignée des écrans de cinéma. C'est en partie de ce constat qu'est née La Fête du clip, avec l'objectif affiché de permettre une diffusion dans de bonnes conditions et la célébration du clip émergeant. Seul festival français entièrement dédié à la discipline, il se déroulera en deux temps. Une soirée au Karbone avec dix-huit clips, projetés par séries de quatre, entrecoupées d'un moment d'échange avec les équipes. Ces films seront soumis à un jury de professionnels mais aussi au vote du public. Le lendemain, ce sera la soirée de remise des prix mutualisés avec celle de Que du Feu !.
Ce qui frappe à la découverte des films sélectionnés, c'est la liberté créative, souvent supérieure aux courts-métrages "classiques", alors même que ces réalisations sont naturellement soumises à des contraintes (musique, durée...). La confrontation entre plusieurs visions artistiques et musicales, accouche d'objets fascinants, hypnotiques, irritants, ne suscitant jamais l'indifférence ou la réaction tiède. À travers ce panel de dix-huit films, nous attirons votre attention sur la présence de trois vidéos en particulier.
No Church in the wild
Le clip d'I let myself go blind de Kompromat, réalisé par Simon Rieth (Nos Cérémonies), avec notamment Vimala Pons, convoque dans un flot d'images léchées tantôt chocs, tantôt oniriques, des inspirations telles que Kenneth Anger, Bertrand Mandico et la folk horror. En résulte une transe musicale et visuelle, cassant fréquemment son imagerie pour l'emmener vers un nouveau paradigme, suivant un fil conducteur où la violence apparente mène à la douceur la plus pure et totale. Dans un tout autre registre, Sakti de Liv Oddman, mis en image par Joan Vandierdonck, déploie une direction artistique séduisante, rappelant par aspects à la période Yeezus de Kanye West. Dans un décor minimaliste, les mots et les paroles fondent sur des images travaillant autour de trois couleurs (noir, blanc, rouge), avec un souci de stylisation à la fois rigoureux et épuré. Clivant et déstabilisant musicalement, le morceau Trébuche sur un chien de Vin de Sprite, donne matière à un clip assez fou d'Antoine Loyer et David Noblet. Six minutes de créativité débridée, politiquement mordantes (la bourgeoisie est délicieusement malmenée), invoquant tour à tour le cinéma de Bruno Dumont et le surréalisme. Il en découle un manifeste peu aimable et galvanisant, où s'entrechoquent vision subjective, plans aux airs de tableaux animés, images de joie et de révoltes... C'est superbe !
La Fête du clip, les 22 et 23 Novembre au Karbone (Lyon 8e) et au Ninkasi Cordeliers (Lyon 2e) ; gratuit
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